vendredi 23 avril 2010

Paradis fiscaux : l'Union européenne prête pour un grand nettoyage de printemps ?

"Paradis fiscaux : l'Union européenne prête pour un grand nettoyage de printemps ?"

par Louis Celot, 1ère L2, 14 décembre 2009.

Il aura fallu une crise économique mondiale et l’initiative du couple fort franco-allemand pendant le G20 de Londres, le 2 avril 2009, tout de suite suivie de la publication par l’OCDE de trois listes, pour que l’Union européenne se décide enfin à faire une timide déclaration au sujet de sa volonté de lutter contre les paradis fiscaux. En effet sur la « liste grise » comprenant les trente-huit centres financiers qui ont promis de se conformer aux nouvelles règles sur la régulation et la transparence fiscale (sans pour autant les appliquer), on retrouve des pays membres comme la Belgique et l'Autriche, ainsi que beaucoup de pays ayant des relation directes avec l’UE : la Suisse et le Liechtenstein, qui avaient promis avant le sommet du G20 plus de transparence, mais aussi la principauté de Monaco, Andorre et les îles Caïmans (territoire d'outre-mer du Royaume-Uni, qui a bien entendu été épargné…).



A l’issue à l’issue du G20, Nicolas Sarkozy a déclaré « Cette crise est devenue économique mais elle est d’abord, elle est née par la crise financière. C’est la raison pour laquelle l’Allemagne et la France, nous voulons que, dans les résultats du sommet, le principe d’une nouvelle régulation soit un objectif majeur. C’est une opportunité historique pour moraliser un système devenu immoral […] Le premier type de décisions que nous avons prises, c’est l’engagement des chefs d’Etat et de gouvernement pour un renforcement de la réglementation et de la supervision des activités financières. C’était une priorité pour l’Allemagne et la France » Et la Commission européenne, qui a souvent besoin de locomotives, n’a pas tardé à réagir: le 28 avril, elle publie une communication dans laquelle sont « recensées les mesures que les États membres devraient prendre pour promouvoir la «bonne gouvernance» dans le domaine fiscal, c’est-à-dire des progrès dans la transparence, les échange d’informations et sur la concurrence loyale en matière fiscale, ainsi que « les outils dont la Communauté et les États membres disposent pour veiller à ce que ces principes soient mis en œuvre au niveau international ». Tout ça sonne très bien. Cependant le seul exemple de la Suisse, qui a facilement accepté les « conventions d‘échanges d’informations fiscales » requises pour passer de la « liste grise » à la « liste blanche », laisse perplexe. En effet, le directeur de la banque privée de Crédit Suisse, Walter Berchtold, s’est aussitôt empressé d’ajouter que «la protection du client demeure [leur] priorité principale» et que «le secret bancaire demeure en place». Nous sommes bien loin du communiqué final optimiste du G20, qui déclarait « la fin de l’ère du secret bancaire»…
Peut-on aujourd’hui reprocher aux membres du sommet du G20 de Pittsburgh, le 25 septembre dernier, de se féliciter des progrès certains accomplis en quelques mois, avec la signature de 150 accords d’échanges d’information et la réduction significative des « listes grises et noires » ? La réunion s’est même achevée par un accord qui fixe à mars 2010 la date butoir à partir de laquelle des sanctions pourront être adoptées contre les Etats ne se conformant pas aux règles internationales en matière fiscale.
Dernièrement, le 16 novembre, c’est le gouvernement français qui a proposé une série de mesures fiscales "dissuasives" visant à rendre moins attractives pour les entreprises ou les particuliers le recours aux paradis fiscaux, en suggérant de taxer à 50% (contre 0 à 33 % aujourd'hui) les dividendes, intérêts et redevances versés par des entités françaises à des destinataires domiciliés dans ces territoires. Ces dispositions s'appliqueront aux Etats qui n'appartiennent pas à l’UE, qui figurent sur la « liste grise » des paradis fiscaux de l'OCDE et qui ne sont pas liés à la France par un accord d'échange d'informations fiscales.

Ainsi, depuis la déclaration de la Commission du 28 avril, l’UE n’est plus intervenue en son nom propre. Il apparaît que le combat contre les paradis fiscaux, qui aurait pu redorer le blason d’une Union peu apte pour le moment à se montrer comme une entité politique capable d’agir par elle-même, sera le fait seul de certains pays membres isolés, sous l’influence de l’axe franco-allemand. Sauf si, avant mars 2010, elle se décide enfin à participer au grand nettoyage de printemps qui s’annonce, car il pourrait bien se faire sans elle. Ce serait dommage.

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