samedi 26 février 2011

Entretien avec László TRÓCSÁNYI, Ambassadeur de la République de Hongrie en France :

par les membres du Club UE

le 20 janvier 2011 en Salle des Actes, 17h30 à 18h30.













Nous avons la chance, ce jour-là, dans le cadre du partenariat avec le lycée KÖLCSEY de Budapest, de rencontrer un ambassadeur, et celui du pays exerçant la Présidence tournante de l’UE depuis 20 jours !!!

Depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne qui a institué un président de l’Union européenne – actuellement Herman Van Rompuy –, le rôle des présidences tournantes s'est théoriquement amoindri. Mais le pays qui préside le Conseil garde tout de même un pouvoir d'impulsion assez fort sur l'agenda. Alors, on a préparé nos questions, on s’est arrangé avec nos professeurs pour aménager notre emploi du temps, on était plein d’enthousiasme et …. DECEPTION !!!! L’entretien est édifiant : « langue de bois », pirouettes jouant sur les difficultés de la langue française, vague mépris affiché face à certaines questions comme si on ne savait pas de quoi on parlait..

Bref, voici un résumé (presque impossible à faire au demeurant) de notre première expérience politique avec un homme …pas libre :

Petit rappel concernant le contexte politique (source : Le Monde.fr):

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Budapest fait l'objet de critiques de plus en plus vives après l'adoption d'une loi controversée sur la presse, le 21 décembre ; les publications produisant des contenus qui ne seraient pas "équilibrés politiquement" ou "entravant la dignité humaine" – la loi ne précise pas ces notions – sont promises à de lourdes amendes. L'organe chargé d'infliger ces amendes n'a rien de pluraliste : les cinq membres de ce Conseil des médias sont issus du Fidesz, le parti du premier ministre conservateur Viktor Orban. Cette autorité pourra également inspecter tous les instruments et documents de l'organe de presse incriminé, avant même d'identifier un délit. Et les journalistes pourraient être obligés de divulguer leurs sources sur des questions liées à la sécurité nationale.

Outre cette loi controversée, c'est plus globalement le virage conservateur pris par le pays qui inquiète les autres pays européens. Le parti Fidesz, au pouvoir depuis les élections législatives du mois d'avril, détient plus des deux tiers des sièges au Parlement, ce qui lui permet de modifier la Constitution à sa guise. Ainsi, en réaction à l'invalidation par la Cour constitutionnelle d'une mesure budgétaire phare du premier ministre fin octobre, les députés ont purement et simplement interdit à la Cour de se prononcer sur tous les textes concernant le budget, les taxes et les impôts, sauf si ces derniers touchent à l'exécution de traités internationaux ou aux droits fondamentaux. Petit à petit, Viktor Orban s'emploie à placer des fidèles à tous les postes clés de l'Etat : présidence de la République, présidence de la Cour des comptes, procureur général…

La vague populiste qui a porté le gouvernement Orban au pouvoir s'explique largement, selon Fabio Liberti, par la situation économique très dégradée de la Hongrie. "C'est un pays très complexe, qui a toujours été le bon élève de l'Europe et du FMI dans les années 1990, mais qui fut l'une des premières victimes de la crise financière de 2008 et obligé de demander une aide extérieure, d'où un sentiment de frustration et d'humiliation", précise le chercheur.


Club UE : Votre Excellence, l’intégration de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen semble être une des priorités de la présidence hongroise. Pourquoi ? En général, pour quelles raisons la poursuite de l’élargissement semble-t-elle si importante pour votre pays et jusqu’où?

Ambassadeur de Hongrie en France: entrer dans Schengen est une obligation, c’est très important de voyager sans frontières, mais il faut que des critères techniques soient respectés pour que la Roumanie et la Bulgarie entrent dans Schengen afin de réduire les risques concernant les flux illégaux d’immigrants. La Croatie entrera, pour le reste des Balkans ce sera plus long. Il faut encourager la Serbie pour mettre fin au nationalisme serbe. La Hongrie pense en général que l’intégration et les partenariats font taire les nationalismes.

Mais pour la Turquie, ce n’est pas urgent. Mais les Hongrois ont toujours été très « amis » avec les Turcs ottomans (l’Ambassadeur évoque même l’« amitié » bien connue ( ?) entre l’Empire ottoman et l’Empire austro-hongrois = à vos cours d’Histoire !!!!!!)

Un élève hongrois : Avez-vous plus de travail depuis que vous êtes ambassadeur ???

Ambassadeur de Hongrie en France: oh oui, des réceptions, des présentations, …

M. Doguet : La Hongrie a-t-elle reconnu l’indépendance du Kosovo ?

Ambassadeur de Hongrie en France: Oui bien sûr.

Club UE : Ne redoutez-vous pas que la loi sur la presse que le parlement hongrois a votée dernièrement ternisse l’image de la présidence hongroise ? Ne pensez-vous pas qu’elle est contraire aux valeurs européennes qui affirment les libertés fondamentales comme la liberté d’expression ?

Ambassadeur de Hongrie en France: Avez-vous lu la loi ? Elle est longue, 200 ou 300 articles..

Club UE : Nous savons qu’elle affirme que les journalistes ne doivent pas porter atteinte à « l’ordre moral » ; de quoi s’agit-il ?

Ambassadeur de Hongrie en France: C’était normal d’adopter une nouvelle loi sur la presse, la dernière datait de… 1985 ( ?) Il y a eu beaucoup de discussions et de malentendus au sujet de la mention « communication et information équilibrées ». La Commission européenne prépare un avis, et la Hongrie s’y conformera. (note du Club : en effet, la Hongrie a choisi de supprimer, le 16 février 2011, des pans entiers de sa loi sur la presse, selon les recommandations de la Commission ; celle-ci reste cependant vigilante )

Club UE : L’Agenda de la présidence prévoit de promouvoir les diversités culturelles, c’est-à-dire les identités nationales et régionales, et ethniques. Quelles sont les dispositions que vous voudriez mettre en place à cet effet, et particulièrement en faveur de l’intégration des Roms ?

Ambassadeur de Hongrie en France: Il y a encore beaucoup de Hongrois hors de Hongrie aujourd’hui : deux millions en Roumanie, 200000 en Serbie.. . A l’époque du communisme, l’amitié entre les peuples était privilégiée. Il y a dix millions de Hongrois dans le pays, et cinq millions hors de Hongrie ; c’est pour cela que c’est une question sensible pour nous. En 2001, une loi pour promouvoir la langue hongroise a été promulguée dans les pays limitrophes. Toutes les personnes de langue hongroise sont hongroises pour nous (citoyenneté ethnique).

Il faut bien sûr encourager les diversités culturelles, la mobilité, etc….. C’est très bien !

Club UE : Nous voulions parler des diversités à l’intérieur de la Hongrie….

Ambassadeur de Hongrie en France: Oui, je comprends. Il ya plusieurs ethnies en Hongrie, des Slovaques, des Roms… 600000 Roms (pour dix millions en Europe). Ils connaissent des difficultés car le chômage est fort depuis la chute du communisme. Mais ils en profitent : ils reçoivent 600 euros d’allocations (note du Club : plus que le salaire moyen ???) et ce n’est pas acceptable. Ils ne veulent pas travailler dans ces conditions. Mais nous avons prévu (avec votre président notamment, qui s’est ému de la question, n’est-ce pas) un Sommet sur les Roms pendant la présidence hongroise, en mai.

Un élève hongrois : Comment fait-on pour être ambassadeur, M. l’Ambassadeur ?

Ambassadeur de Hongrie en France: je suis professeur….. (long discours peu audible).

Un élève hongrois : Quelles sont les conséquences de la présidence pour la Hongrie ?

Ambassadeur de Hongrie en France: Beaucoup de conférences ont lieu à Bruxelles, évidemment, notamment le Sommet sur le dossier énergétique. Mais celle de mai aura lieu à Budapest. Les conséquences sont faibles.

Club UE : Vous annoncez le premier sommet européen sur l’énergie, qui doit évoquer les connexions des réseaux électriques et gaziers entre les Etats membres. Votre pays veut diversifier ses sources d’énergie, amoindrir la dépendance vis-à-vis de la Russie.

Ambassadeur de Hongrie en France: Oh oui, c’est un gros travail……

Club UE : Il faut aussi boucler le budget 2011 ?

Ambassadeur de Hongrie en France: Il faut trouver des compromis….c’est tellement compliqué, vraiment.

Fin de l’entretien, devoir demain.

Merci Votre Excellence.

mercredi 16 février 2011

L'euro …. La crise …. Et

après ?

17 janvier 2011,

par Jean-Patrick Vrel et Tanguy Picot


La crise économique et financière qui a frappé le monde économique dès 2007, a soulevé de nombreux débats, et posé de nombreuses questions, notamment au sujet de l'euro. Pour preuve, actuellement un grand nombre des partis nationalistes, en France et plus largement dans toute Europe, font de l’éventuel retrait de l'euro un de leur argument de campagne. Mais avant de poser la question de la légitimité d’un tel argument, il est important de constater que cette opinion est loin d'être isolée et que, malgré tout, certaines des raisons avancées tirent leurs racines de faits bien réels.

Ne nous leurrons pas, la monnaie européenne a participé à la crise économique, à cause de l’absence de politique monétaire unique et d’harmonisation fiscale et budgétaire entre les pays de l’euro.

Remettons les choses à leur place : la débâcle économique qui a frappé le monde de la finance est certes due en partie aux banques américaines, mais la gestion (l’absence de gestion?) de la monnaie unique a joué un rôle important dans cet épisode, puisque les pays qui ont risqué la banqueroute appartiennent souvent à la zone euro.

Mais comment est gérée la « zone euro » ?

Nous rappellerons simplement que l’euro est la devise officielle de l'Union européenne et la monnaie unique commune à dix-sept de ses États membres, qui forment la zone euro. La décision de créer l’euro a été officialisée lors du traité de Maastricht, non sans débats par ailleurs. Pour faire court, deux partis s'opposaient : d’un côté, ceux qui prônaient la création d'un Pacte de stabilité avec une surveillance entre États assez faible, reposant sur l’idée que si chacun gérait bien ses finances publiques et son économie, les choses iraient bien ; de l’autre, ceux qui voulaient aussi prévoir de cadrer politiquement la zone euro. Finalement l'euro a été créé sans gouvernance supranationale, les États renonçant déjà à leur souveraineté monétaire et ne voulant pas, en plus, un organisme qui leur donnerait une marche à suivre. Cette décision peut paraître anodine, et surement légitime, mais la prendre était aussi rendre les réformes et contrôles sur l'euro plus difficiles. En fait, la simple possibilité d'avoir à gérer une crise n'avait pas été prise en compte.

Revenons sur l'abandon de la souveraineté monétaire : ce passage fut particulièrement difficile à négocier pour certain pays tels que l'Allemagne, qui avait beaucoup à perdre si l'euro n'égalait pas son puissant Deutsche Mark. L'Allemagne a exigé que la BCE (Banque Centrale Européenne) soit totalement indépendante. Le rôle de cette banque centrale se résume donc à faire appliquer le Pacte de stabilité et de croissance : le taux d’inflation des pays les plus inflationnistes ne doit pas excéder de plus de 1,5% celui des trois pays membres ayant les plus faibles taux d’inflation ; leur déficit budgétaire doit être inférieur à 3% du PIB ; leur endettement public doit être inférieur à 60% du PIB ; leurs taux d’intérêts réels à long terme ne doivent pas excéder de 2% celui des trois pays membres ayant les plus faibles.

Le but avoué de la BCE se résume donc à empêcher l'inflation de la monnaie c'est-à-dire sa dévaluation. En d'autres termes l'euro serait un deuxième Deutsche Mark, fort, compétitif et stable ...


La Zone euro en janvier 2011









Les "bulles économiques" :

Le problème qui s'est posé très rapidement dans ce système économique est le mécanisme d'inflations divergentes, ou « bulles économiques », qui vont éclater d'abord en Grèce, puis en Irlande.

Qu'est ce que l'inflation monétaire?

Toute monnaie perd de la valeur d'année en année de façon inéluctable ; celle-ci varie en fonction d'un grand nombre de paramètres mais celui qui est sans doute le plus simple à quantifier est la quantité de monnaie en circulation. Le dollar et l'euro sont recherchés par certain investisseurs qui achètent et vendent les devises comme de simples marchandises, pariant sur la plus-value de la monnaie par rapport au coût de la vie. Or très fréquemment, les États doivent réinjecter de la monnaie dans les circuits économiques, ou plus simplement des prêts sont accordés à des particuliers ou entreprises ; ces même prêts créent de la monnaie (oui, aujourd'hui une banque ne doit garantir que 30% du capitale prêté, le reste est créé de toute pièce sous forme de flux électronique). Or ce qui est moins rare est moins cher, par conséquent le prix de la devise chute. Alors pourquoi investir dedans ? J'ai bien précisé que les investisseurs pariaient sur une plus-value par rapport au coût de la vie ; l'inflation est gigantesque, de l'ordre de plusieurs pour cents par an pour le dollar, et nous ne nous en rendons pas compte à notre niveau, c'est que le coût de la vie baisse en même temps. Mais lorsqu’on entend que le coût de la vie a augmenté, c'est en fait qu'il décroit moins rapidement que celui de la monnaie.

C'est tout à fait l'inverse pour la Grèce et l'Irlande. L'économie de ces pays avant l'entrée dans l'euro était somme toute d'un poids plutôt faible, ce qui caractérise un coût de la vie heureusement très bas, fasse à une monnaie plutôt instable. Mais lorsque ces pays sont entrés dans l'euro, ils ont eu à leur disposition une monnaie excessivement plus stable et dont le coût était bien supérieur au coût de la vie. On achetait donc beaucoup avec peu de monnaie, cet écart est tout à fait quantifiable et c'est même cet écart qui permet une définition officielle des taux d'intérêts pratiqués par les banques. Et dans cette situation pour le moins extrême, il est arrivé notamment en Irlande que les banques puissent prêter à PERTE ! (se payant tout de même sur les frais de dossiers, ne vous inquiétez pas pour elles). L'argent n'était donc « pas cher », et toute l'économie de ces pays était basée sur une surconsommation des ménages et des entreprises. Un des exemples les plus frappants est l'économie espagnole principalement centrée sur le secteur du bâtiment, secteur qui a pu profiter de cet argent facile. On pourrait aussi citer le dumping fiscal de l'Irlande bien que celui-ci soit surtout dû aux taxes sur les entreprises qui y sont quatre fois moins élevées que dans le reste de l'Europe.

Quoi qu'il en soit de telles bulles financières où la consommation est basée en fait sur du fictif éclate irrémédiablement. Il arrive un moment où les marchés se stabilisent et où les intérêts grimpent en flèche. Par le simple système des prêts et de création d'argent, la monnaie rattrape rapidement le cout de la vie. Par conséquent les intérêts augmentent pour suivre la tendance inflationniste, la population ne peut plus rembourser aux banques, ces mêmes banques qui ne peuvent plus garantir leurs fonds frôlent la faillite.

Naturellement, si les États n'avaient pas sauvé ces banques qui ont surexploité les failles du système financier, celui-ci se serait effondré. Ce phénomène a été accentué par la crise américaine qui a largement déstabilisé les marchés. On garde tous en tête les sommes effarantes libérées par les États pour empêcher cette réaction en chaine, argent tiré évidemment des recettes publiques, mais ceci est un autre débat.

Pourquoi n'a-t-on pu rien faire pour empêcher cette réaction en chaîne ? Pourquoi la zone euro met-elle autant de temps pour remonter la pente ?

On le sait, la construction de l'euro s'est faite sans prendre en compte la possibilité d'une crise de telle envergure. Aucun gouvernement économique n'a été formé pour garantir l'intérêt commun des pays de la zone euro. Le seul contrôle que pouvait effectuer l'Europe reposait sur le Pacte de stabilité de Maastricht, et les obligations n’ont été tenues que par très peu de pays, et certains ont laissé déraper leur dette avec la crise.

Déficit public dans certains pays de la zone euro, en 2010 (en % du PIB):

  • Islande = - 13,6%
  • Irlande = - 32,3%
  • Grèce = - 8,3%
  • Portugal = - 7,3%
  • France = - 7,4%
source : OCDE.

Cependant nous pouvons aujourd’hui nous poser la question de l'efficacité des mesures d'austérité exigées de la Grèce par l’UE et le FMI: est-ce que ralentir la consommation d'une économie basée sur celle-ci est judicieux ? Est-ce que ralentir le rôle de l'État dans un pays qui a besoin de réformes l'est aussi ? De plus, l’indépendance de la BCE ne permet pas de faire une dévaluation compétitive de la monnaie (comme le font les Etats-Unis avec le dollar), ce qui pourrait relancer les exportations européennes. L’euro a tout pour être une monnaie de référence, cependant elle n'est pas malléable, impossible d'en manipuler le flux pour en faire augmenter ou diminuer la valeur ; il faut dire qu’elle n’a pas la place du dollar dans les investissements et les échanges internationaux.

Ne blâmons pas trop vite les politiques européennes : des institutions ont été créées dernièrement pour récupérer le contrôle de la monnaie unique. Au 1er janvier 2011 ont été ouvertes trois Agences de contrôle sectoriel ; une enquête sur chaque pays membre pourra maintenant être menée (avec l'accord du dit-pays cependant) pour vérifier l'état de ses finances.

Pour ceux qui s'en rappellent encore, la crise de 2008 a été suivie par l'effondrement des marchés boursiers un peu partout dans le monde, conduisant pour la première fois dans l'histoire de l'économie à la fermeture des bourses pendant un délai pouvant aller jusqu'à trois jours consécutifs pour éviter les ventes massives d'actions, et donc un cercle vicieux, sans fin. Ce tabou sur la fermeture des marchés est maintenant levé, grâce à la création d’un Conseil du risque systémique : cette nouvelle instance peut en effet arrêter net les cotations en cas d’alerte spéculative. Le Fonds européen de soutien qui avait été créé pour aider la Grèce devient permanent sous le nom de Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF).

source : Dossiers et Documents du Monde, février 2011.

La solution n'est donc pas dans la division, n'en déplaise aux mouvements populistes et nationalistes qui font entendre leur voix sur la scène politique européenne. Des efforts ont été faits mais seront-ils suffisants pour faire face à l'envergure de la crise ? Nous devons absolument faire triompher le principe supranational sur l'intérêt particulier ou ce sera la fin de la zone euro ainsi que celle de l'UE toute entière.

Petit détail, le seul moyen de quitter la zone euro c'est de quitter l'UE, chose rendue possible depuis le Traité de Lisbonne. L'enjeu n'est donc pas que monétaire mais bel et bien politique, il en va de l'avenir de chacun d'entre nous, liés à l’importance de la l’UE sur la scène internationale, qu’on le veuille ou non.

Voir aussi le Hors-série d’Alternatives Économiques: « LES CHIFFRES 2011 »

mardi 1 février 2011

Quelle Défense pour l'Union européenne?

par Benjamin Helman et Arnaud Cornède.

Article d’information, 19 janvier 2011.

A l'heure actuelle, l'UE constitue la première puissance économique de la planète et concentre 28% de la richesse mondiale. Pôle majeur de la triade, l'UE est un acteur incontournable dans les relations internationales du fait de son poids économique. Cependant l'UE ne parvient toujours pas à s'affirmer sur la scène internationale en tant que puissance politique et militaire à part entière. En effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la Défense européenne s’est définie au sein de l’OTAN, bénéficiant ainsi de la protection du parapluie nucléaire américain. Néanmoins, se met en place progressivement une politique de défense européenne visant à garantir la sécurité du continent et à permettre à l’UE de disposer d’une autonomie qui ne manquerait pas de rejaillir sur sa capacité à s’affirmer sur la scène internationale. Cependant, le projet peine à se concrétiser, faute d'une réelle volonté politique commune. Ainsi, la mise en place d’une défense européenne semble indissociable d’une politique extérieure commune.

Une Défense Européenne garantie par l'OTAN

La guerre froide avait conduit à l'apparition d'une architecture de sécurité bipolaire, reflet du contexte stratégique du moment. Alors que la majorité des pays d'Europe occidentale formait l'OTAN à partir de 1949 avec les Etats-Unis et le Canada, les pays d'Europe centrale étaient regroupés dans le pacte de Varsovie autour de l'URSS.

Avec la disparition de l'URSS en 1991 et la fin du conflit Est/Ouest, cette architecture de sécurité, héritée de la guerre froide, aurait pu être condamnée à disparaître. Cependant les conflits dans l'ex-Yougoslavie de l'après-guerre froide ont conduit à une adaptation de l'OTAN plutôt qu'à sa dissolution. Si des interrogations subsistaient quant au bien-fondé du maintien de l'alliance atlantique, le fait que l'OTAN ait été la seule organisation véritablement opérationnelle pour intervenir militairement dans des conflits comme ceux de l'ex-Yougoslavie a rapidement convaincu de la nécessité de son maintien et de sa primauté dans l'architecture de la sécurité européenne. Par ailleurs, l'OTAN s'élargissait en 1999 avec l’adhésion de trois anciennes Républiques communistes : la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque suivie en 2004 par sept autres: l'Estonie, la Lituanie, La Lettonie, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et la Roumanie.

Aujourd'hui, la quasi-totalité des pays membres de l'UE sont également membres de l'OTAN, seuls l'Autriche, la Suède, la Finlande et l'Irlande s'y refusent car politiquement neutres. A l'heure actuelle, l'OTAN reste le principal garant de la sécurité européenne.













Vers une Défense Européenne autonome

Tandis que la primauté de l'OTAN se confirmait, les Européens voyaient dans l'après-guerre froide un contexte propice à l'émergence de l'Europe communautaire en tant qu'acteur international. Une politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, est instaurée par le Traité de Maastricht en 1992. C’est même l’un des trois piliers du Traité. Ses dispositions mettent alors en avant les divergences d'ambitions et de projets des Etats membres à l'égard du rôle que devrait jouer l'UE sur la scène internationale. Instaurée par le Traité de Maastricht et renforcée par le Traité d’Amsterdam, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a été conçue comme un instrument de coordination de la politique étrangère et de défense au niveau européen. A cette occasion est créé « l'Eurocorps » issu d'une initiative franco-allemande. Certains Etats souhaitaient doter l'UE d'une véritable dimension de sécurité et de défense mais d'autres ne voulaient pas se dissocier du système de défense de l'OTAN pour ne pas perdre l'appui des Etats-Unis. Ainsi, a été constituée, à partir de 1994, l'Identité Européenne de Sécurité et de Défense (IESD) préservant l'alliance atlantique tout en permettant aux Européens d'agir sans l'intervention de tous ses membres notamment dans les conflits où les Etats-Unis refusent de s'engager.








C'est en 1998 que le développement des capacités militaires dans le cadre de l'UE voit le jour à travers le lancement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) lors de la déclaration franco-britannique de Saint-Malo. Le lancement de cette politique de la PESD a été possible grâce au revirement britannique sur la question, comme le dit Tony Blair : « Dans le contexte stratégique post-guerre froide, l'enjeu pour les Européens n'est en effet plus seulement de contrer une hypothétique menace globale, pour laquelle l'Alliance Atlantique au travers de son article 5 demeure la référence à laquelle la France réaffirme sans cesse son attachement, mais d'être capable de traiter par eux-mêmes les crises hybrides et les facteurs d'instabilité sur leur continent ou à sa périphérie. C'est aussi de soutenir partout dans le monde la politique étrangère et de sécurité commune d'une entité constituant la première puissance économique mondiale. »

Cette déclaration donnait à l'Union comme objectif de se doter « d'une capacité autonome d'action, appuyée sur des forces militaires crédibles ». Ainsi est fondée une Force de Réaction Rapide de 60.000 hommes destinée à être l'outil opérationnel de la PESD. Ces forces n'ont pas vocation à constituer une armée européenne mais constitue une force de projection qui doit permettre aux Européens de mener des missions humanitaires et de maintien de la paix à l'étranger.

L'UE mène sa première opération extérieure baptisée Artémis, de juin à septembre 2003, entièrement sous contrôle européen mais avec l’aval de l’ONU : elle déploie une force d'urgence de 2000 soldats, l’EUFOR, en République Démocratique du Congo (RDC), pour mettre fin aux exactions menées contre les populations civiles du camp de réfugiés de Bunia.

Emblème de l'EUROCORPS Sigle de l'opération ARTEMIS en RDC










A l'entrée en vigueur au 1er décembre 2009 du Traité de Lisbonne, la PESD devient la Politique de Sécurité et de Défense Commune, la PSDC. En application du Traité de Lisbonne, le Conseil européen a nommé pour cinq ans à compter du 1er décembre 2009, avec l'accord du Président de la Commission, la britannique Catherine Ashton au poste de Haut représentant de l'Union pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité : le Haut représentant préside les réunions du Conseil des Affaires Etrangères et est également vice-président de la Commission européenne. De même, le Conseil Européen a désigné le belge Herman Van Rompuy comme Président du Conseil Européen, fonction également créée par le Traité de Lisbonne : en charge de la préparation et du suivi des réunions du Conseil européen, il est le représentant de l'Union européenne sur la scène internationale.

(voir l’article intitulé : « Un président pour inaugurer les chrysanthèmes » de Baptiste Rossi)

La PESC relève d'une politique dite intergouvernementale où le Conseil Européen est le principal décideur et où les décisions sont prises à l'unanimité. Ce qui rend d'autant plus difficile les accords dans ce domaine où les intérêts nationaux prévalent le plus souvent, avec le désir de sauvegarder la souveraineté.

Les différentes opérations menées par les forces européennes ont mis en évidence que seuls la France et le Royaume-Uni possèdent la capacité de se projeter pour intervenir sur un théâtre éloigné : ce sont les pays qui ont les budgets militaires les plus élévés. En conséquence, la France et le Royaume Uni ont compris que seule l'harmonisation de leurs positions en matière militaire dans le cadre de coopérations renforcées leur permettra de conserver leur rang de puissance militaire mondiale. Alors, sur fond de crise budgétaire, la France et l'Angleterre ont signé en novembre 2010 un accord historique de coopération en terme de Défense. Il s'agit notamment de créer une force expéditionnaire commune de 3.500 à 5.000 hommes et de mutualiser porte-avions et laboratoires nucléaires. A travers cet accord, la France et la Grande-Bretagne, les deux grandes nations nucléaires de l'Europe, espèrent, en mutualisant leurs moyens, pouvoir garder leur statut de puissance militaire mondiale.

Cet accord bilatéral met en évidence un certain échec de la politique commune en matière de défense qui peine à se développer par faute de moyens. En effet les budgets alloués aux dépenses militaires sont trop limités et représentent en moyenne seulement 1,3% du PIB et l'absence d'une industrie d'armement européenne commune est un frein à la mise en place d'une force de défense commune.

Pourtant, dans un contexte européen et international particulièrement incertain, la réalisation des ambitions de l'Union Européenne en matière défense permettrait une relance du projet européen dans son ensemble.

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