vendredi 23 avril 2010

Grèce: chronique d'une crise financière

Face à l’aggravation de la crise grecque, le président de l’Union Européenne, Herman Von Rompuy, a déclaré le 9 avril dernier que les « Européens sont prêts à intervenir si les Grecs le demandent », en mettant en œuvre un plan d'aide financière de concert avec le FMI. « Les autorités grecques ont pris des mesures courageuses pour redresser la situation de leurs finances publiques. Un plan de soutien a été approuvé par l'ensemble des Etats de la zone euro. Nous sommes prêts à l'activer à tout moment pour venir en aide à la Grèce », a aussitôt ajouté Nicolas Sarkozy, le président français. Mais en demandant l’aide du FMI pour résoudre la crise grecque, la zone euro semble avoir abandonné toute volonté d’indépendance, renonçant à pallier seule ses problèmes internes.

Pour comprendre la crise financière qui touche la Grèce depuis plusieurs mois, et qui a conduit à une mise en péril de la zone euro, il faut revenir au mois d’octobre 2009 : suite à la victoire des socialistes aux élections législatives en Grèce, Georges Papandreou (en photo ci-contre avec M.Barroso, président de la Commission Européenne), le nouveau premier ministre, annonce que la situation économique de la Grèce est « explosive », et que le déficit budgétaire dépassera les 10% du PIB pour l’année. Le 5 novembre, le gouvernement annonce qu’il atteindra en fait 12,7% du PIB, et que la dette s’élèvera à près de 115% du PIB… La Commission européenne évoque alors la possibilité de sanctions pour déficits excessifs contre la Grèce, considérant « qu’aucune action suivie d'effets n'a été engagée pour réduire les déficits ».
Début décembre, l'agence de notation financière internationale Fitch abaisse le rating de la dette grecque d’A- à BBB+. C’est la première fois qu’une note d’un Etat de la zone euro est abaissée : les investisseurs demandent une prime de risque devant la déficience nouvelle des obligations grecques. Cependant, Georges Papandreou nie tout risque de défaut de paiement de la dette grecque, et exclut l’hypothèse d’un recours au FMI ; le gouvernement grec promet de faire passer le déficit du pays sous les 3% du PIB d’ici à 2013, grâce à un plan d'austérité au sein de la fonction publique, majoré d’un programme de privatisations, d’une baisse des dépenses militaires et de la fiscalisation accrue des revenus. Le 17 décembre, les premières manifestations contre ce plan ont lieu à Athènes, regroupant plusieurs milliers de salariés.

L’année 2009 s’achève donc mal pour la Grèce ; le 11 janvier, le FMI envoie une mission à Athènes, afin de fournir au gouvernement une « assistance technique ». Toutefois, Georges Papandreou certifie de nouveau que la Grèce n'aura pas recours au FMI, et qu’elle ne quittera pas la zone euro - hypothèse qualifiée « d’absurde » par le président de la BCE, Jean-Claude Trichet.
Début février, le gouvernement grec durcit son plan d'austérité en annonçant le gel des salaires des fonctionnaires, une hausse de l'âge légal de la retraite ainsi qu’une augmentation des taxes sur les carburants. La Commission européenne soutient ce plan, mais place la Grèce sous tutelle budgétaire pour éviter une faillite du pays, opération de surveillance sans précédent dans l’histoire de la zone euro ; elle lance également une procédure contre la Grèce, pour manque de fiabilité des statistiques sur son déficit budgétaire et sur sa dette. En effet, Athènes évoquait un déficit de 3,7% en avril, alors qu’elle prévoit maintenant 12,7% du PIB pour l’année 2009.
Le 11 février 2010, à l'occasion d'un sommet à Bruxelles, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy apportent leur appui à la Grèce pour pallier la dette qui gangrène le pays, et qui pourrait contaminer d’autres Etats de la zone euro. Les chefs d’Etat qui en font partie assurent dans une déclaration commune « qu’ils prendront des mesures déterminées et coordonnées, si nécessaire, pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble », avec l’intention évidente de dissiper les craintes des marchés financiers quant à une éventuelle faillite de la Grèce.
Le 3 mars, de nouvelles mesures d’austérité sont annoncées par le gouvernement grec pour générer 4,8 milliards d'euros d'économies : le 11 mars, une nouvelle grève générale est lancée contre ces mesures, à l'appel des principaux syndicats. De violentes émeutes ont lieu, les transports publics se mettent en grève, les aéroports sont paralysés, les écoles et les postes sont fermées. Des dizaines de milliers de grecs crient leur colère dans les rues d'Athènes et de Salonique.
Le 25 mars, les dirigeants de l'UE parviennent à un accord sur un plan d'aide à la Grèce financé par la zone euro et le FMI. George Papandreou déclare avec optimisme, dans une interview du Time Magazine : « Je pense que le pire de la crise que nous avons connue est passé, mais il y a encore beaucoup de travail. Cela est douloureux parce que les restrictions, les baisses de salaires, les mesures économiques atteindront toute la population dans les années qui viennent.»
Cependant, la situation financière du pays continue de s’aggraver. Depuis quelques jours, l'évolution des marchés, restés incrédules face au plan d'aide approuvé le 25 mars, a précipité les choses. Les conditions de remboursement de la dette grecque se sont brusquement détériorées ; poursuivant leur hausse, les taux des obligations grecques à dix ans ont atteint jeudi dernier le niveau record de 7,508%, du jamais vu depuis l'adoption de l'euro par la Grèce en 2001, ce qui fait ressurgir le spectre d'une faillite du pays. « Les taux auxquels la Grèce doit emprunter est évidemment une question qui nous préoccupe, mais nous croyons qu'ils ne reflètent pas la situation réelle de l'économie du pays ni l'effort et les résultats déjà obtenus par le gouvernement », réplique Georges Papandreou. Mais les Grecs sont loin d’être aussi rassurés : depuis le début de la crise, ils ont déjà retiré auprès des quatre principales banques près de 10 milliards d'euros.
Le 9 avril, Nicolas Sarkozy affirme que l'UE est prête à activer son plan de soutien financier « à tout moment », mais Berlin s'est montré moins complaisante : le plan « peut être mis en œuvre rapidement, mais la Grèce peut atteindre ses objectifs par ses propres moyens », déclare le porte-parole de Wolfgang Schäuble, le ministre fédéral des Finances. D’autant plus qu’Angela Merkel avait obtenu, lors du dernier Conseil européen, que le dispositif d’aide ne soit mis en œuvre « qu'en dernier recours ».
Le 11 avril, lors d'une réunion par vidéoconférence organisée d'urgence entre les ministres des Finances, les quinze partenaires de la Grèce dans la zone euro ont fait savoir qu'ils pourraient prêter 30 milliards d'euros à la Grèce si elle n’était pas en mesure de trouver des financements sur les marchés. Cette annonce sur le montant de l’aide devenait essentielle, puisque que le pays doit lever 10 milliards d’euros d’ici mai pour faire face à ses échéances de dettes et éviter le défaut de paiement.


La crise financière grecque met ainsi l’Union européenne et la zone euro à l’épreuve, puisqu’Angela Merkel a déclaré que cette dernière devrait pouvoir exclure un de ses membres, « quand il ne remplit pas les conditions » d'appartenance à la monnaie commune - visant évidemment la Grèce. La zone euro a préféré demander l’aide du FMI pour résoudre la crise grecque, renonçant à agir de manière indépendante ; l’institution d’une véritable politique économique européenne commune paraît plus que jamais nécessaire.

Affaire à suivre...

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