Conférence organisée au Lycée Henri IV par l’Association d’Etudes Germaniques, 24 mars 2011 :
Au delà de la crise
financière, quel avenir
pour
l'Union Européenne ?
Compte-rendu de conférence, par Garance De B. de Montvalon
L'Allemagne, le bon élève de l'Union Européenne, peut elle assurer la cohésion de l'Europe ?
Gravité de la crise : une Europe qui tend vers l'éclatement ? L'avenir de l'Europe dépend-il de Berlin ?
Jacques de Larosière a été successivement directeur général du FMI, gouverneur de la banque de France, et président de la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement.
Sylvie Goulard est députée européenne – groupe ADLE –, membre de la Commission parlementaire des affaires économiques et monétaires, auteure de plusieurs livres sur les questions européennes. Elle est fortement engagée pour l'Europe. Elle prône une nouvelle construction de l'Union Européenne.
Intervention de Jacques de Larosière :
Équilibre mondial : l'Europe va très bien. Alors que les Etats-Unis et l'Asie possèdent des déséquilibres structurels, ce n'est pas le cas de l'Union Européenne.
Cependant il existe des disparités très profondes à l'intérieur de la zone. L'Europe connait un excédent considérable de la balance des paiements.
L'Allemagne est, elle, dans une situation de déséquilibre structurel qui appelle une correction.
L'Union Européenne est originale et forte, notamment parce qu'elle possède une monnaie et une gouvernance communes, mais par contre, elle n'a pas établi de politique monétaire commune. Par conséquent, il existe une disparité entre le caractère totalement fédéral de la monnaie, et d'autre part le fait que les politiques budgétaires et fiscales restent du domaine national ; ce qui est la source de problèmes aujourd'hui...
Pourquoi de telles disparités posent problème ? Avoir une politique monétaire commune signifie avoir un taux d'intérêt et un taux de change unique de l'euro vis à vis du dollar américain. Il n'est donc pas possible de diviser la monnaie. Si tel est le cas, et c'est le cas, un grand danger pèse sur le fonctionnement de la zone monétaire : la compétitivité entre les pays membres, plus précisément entre les pays qui connaissent des hausses de salaire et ceux qui pratiquent une politique monétaire modérée. Cela a pour conséquence un coût unitaire salarial qui se dégrade. Un pays qui laisse sa compétitivité se détériorer s'installe dans un déficit extérieur.
Quand un pays s'installe durablement dans un déficit extérieur, il rencontre rapidement un problème de moindre croissance : ses produits sont plus difficiles à placer, etc.
Un pays de la zone euro qui connaitrait un excès de demande (c'est à dire un pays ayant une politique négligente de déficit public), aurait intérêt à avoir une politique monétaire plus exigeante que la moyenne. Il devrait calmer la demande, et pour ce faire, augmenter les taux d'intérêt, qui est l'arme d'une politique monétaire efficace.
Jacques de Larosière explique que l'Allemagne se serait peut-être mieux comportée si sa politique avait été plus restrictive que la moyenne.
La disparité ne peut être résolue que par une discipline en matière de politique économique, budgétaire notamment, et par une politique de coopération.
Le Pacte de stabilité et de croissance est destiné à encadrer les politiques économiques et budgétaires d'une manière coopérative. Le problème que pose ce dispositif est qu'il ne comprend pas de sanctions ; de plus les deux pays leader de l'euro ont montré le mauvais exemple : ils ont connu de mauvais moments avec des déficits budgétaires excessifs. Les pays plus petits sont plus enclins à des déficits budgétaires excessifs.
Ce pacte comporte un dispositif rudimentaire : que faire après une baisse de la dette publique ?
En réalité, l'économie est plus complexe : elle est privée. Il peut y avoir emballement, et entrainer l'excès du retour au crédit.
Contrairement aux idées reçues, l'Irlande, comme l'Espagne, n'avait pas de débordement budgétaire. Le souci n'est pas là. C'est l'emballement du crédit qui a emporté ces pays dans une crise financière.
Il faut prendre en compte l'ampleur de l'équilibre de compétitivité qui s'est installé, de 2000 à 2011 : l'Espagne, la Grèce, et la France ont perdu entre 10 et 15% de compétitivité.
Il faut absolument agir sur les couts de production, c'est à dire agir sur les salaires, les cotisations sociales, ainsi que les prélèvements obligatoires.
Penser qu'il faudrait quitter l'euro serait une énorme erreur ; ce serait dévaluer en profondeur la monnaie. Cela serait signe d'appauvrissement du pays, et la dette deviendrait énormément accrue.
Extraits de l'intervention de Sylvie Goulard :
Il est important de noter que l'Europe a pris des décisions remarquables après la crise. Les commentaires de la presse ne sont pas objectifs ; ils n'ont pas pris en compte l'état de la finance avant.
On a souvent réagi très tard, au moment où l'on était déjà sur l'obstacle. Mais l'Europe a contribué à la création du G20. On a su tiré des enseignements des crises du 20e siècle.
Pendant des mois, il y a eu un déni de réalité en Allemagne. Elle a pourtant conscience des enjeux : le plan pour la Grèce coûte 10 milliards, alors que le budget de l'Europe est de 100 milliards.
Il faut arriver à maitriser la dette. La modération des Européens est un atout.
"Etre eurosceptique, c'est ignorer l'interdépendance des économies. "