mercredi 16 février 2011

L'euro …. La crise …. Et

après ?

17 janvier 2011,

par Jean-Patrick Vrel et Tanguy Picot


La crise économique et financière qui a frappé le monde économique dès 2007, a soulevé de nombreux débats, et posé de nombreuses questions, notamment au sujet de l'euro. Pour preuve, actuellement un grand nombre des partis nationalistes, en France et plus largement dans toute Europe, font de l’éventuel retrait de l'euro un de leur argument de campagne. Mais avant de poser la question de la légitimité d’un tel argument, il est important de constater que cette opinion est loin d'être isolée et que, malgré tout, certaines des raisons avancées tirent leurs racines de faits bien réels.

Ne nous leurrons pas, la monnaie européenne a participé à la crise économique, à cause de l’absence de politique monétaire unique et d’harmonisation fiscale et budgétaire entre les pays de l’euro.

Remettons les choses à leur place : la débâcle économique qui a frappé le monde de la finance est certes due en partie aux banques américaines, mais la gestion (l’absence de gestion?) de la monnaie unique a joué un rôle important dans cet épisode, puisque les pays qui ont risqué la banqueroute appartiennent souvent à la zone euro.

Mais comment est gérée la « zone euro » ?

Nous rappellerons simplement que l’euro est la devise officielle de l'Union européenne et la monnaie unique commune à dix-sept de ses États membres, qui forment la zone euro. La décision de créer l’euro a été officialisée lors du traité de Maastricht, non sans débats par ailleurs. Pour faire court, deux partis s'opposaient : d’un côté, ceux qui prônaient la création d'un Pacte de stabilité avec une surveillance entre États assez faible, reposant sur l’idée que si chacun gérait bien ses finances publiques et son économie, les choses iraient bien ; de l’autre, ceux qui voulaient aussi prévoir de cadrer politiquement la zone euro. Finalement l'euro a été créé sans gouvernance supranationale, les États renonçant déjà à leur souveraineté monétaire et ne voulant pas, en plus, un organisme qui leur donnerait une marche à suivre. Cette décision peut paraître anodine, et surement légitime, mais la prendre était aussi rendre les réformes et contrôles sur l'euro plus difficiles. En fait, la simple possibilité d'avoir à gérer une crise n'avait pas été prise en compte.

Revenons sur l'abandon de la souveraineté monétaire : ce passage fut particulièrement difficile à négocier pour certain pays tels que l'Allemagne, qui avait beaucoup à perdre si l'euro n'égalait pas son puissant Deutsche Mark. L'Allemagne a exigé que la BCE (Banque Centrale Européenne) soit totalement indépendante. Le rôle de cette banque centrale se résume donc à faire appliquer le Pacte de stabilité et de croissance : le taux d’inflation des pays les plus inflationnistes ne doit pas excéder de plus de 1,5% celui des trois pays membres ayant les plus faibles taux d’inflation ; leur déficit budgétaire doit être inférieur à 3% du PIB ; leur endettement public doit être inférieur à 60% du PIB ; leurs taux d’intérêts réels à long terme ne doivent pas excéder de 2% celui des trois pays membres ayant les plus faibles.

Le but avoué de la BCE se résume donc à empêcher l'inflation de la monnaie c'est-à-dire sa dévaluation. En d'autres termes l'euro serait un deuxième Deutsche Mark, fort, compétitif et stable ...


La Zone euro en janvier 2011









Les "bulles économiques" :

Le problème qui s'est posé très rapidement dans ce système économique est le mécanisme d'inflations divergentes, ou « bulles économiques », qui vont éclater d'abord en Grèce, puis en Irlande.

Qu'est ce que l'inflation monétaire?

Toute monnaie perd de la valeur d'année en année de façon inéluctable ; celle-ci varie en fonction d'un grand nombre de paramètres mais celui qui est sans doute le plus simple à quantifier est la quantité de monnaie en circulation. Le dollar et l'euro sont recherchés par certain investisseurs qui achètent et vendent les devises comme de simples marchandises, pariant sur la plus-value de la monnaie par rapport au coût de la vie. Or très fréquemment, les États doivent réinjecter de la monnaie dans les circuits économiques, ou plus simplement des prêts sont accordés à des particuliers ou entreprises ; ces même prêts créent de la monnaie (oui, aujourd'hui une banque ne doit garantir que 30% du capitale prêté, le reste est créé de toute pièce sous forme de flux électronique). Or ce qui est moins rare est moins cher, par conséquent le prix de la devise chute. Alors pourquoi investir dedans ? J'ai bien précisé que les investisseurs pariaient sur une plus-value par rapport au coût de la vie ; l'inflation est gigantesque, de l'ordre de plusieurs pour cents par an pour le dollar, et nous ne nous en rendons pas compte à notre niveau, c'est que le coût de la vie baisse en même temps. Mais lorsqu’on entend que le coût de la vie a augmenté, c'est en fait qu'il décroit moins rapidement que celui de la monnaie.

C'est tout à fait l'inverse pour la Grèce et l'Irlande. L'économie de ces pays avant l'entrée dans l'euro était somme toute d'un poids plutôt faible, ce qui caractérise un coût de la vie heureusement très bas, fasse à une monnaie plutôt instable. Mais lorsque ces pays sont entrés dans l'euro, ils ont eu à leur disposition une monnaie excessivement plus stable et dont le coût était bien supérieur au coût de la vie. On achetait donc beaucoup avec peu de monnaie, cet écart est tout à fait quantifiable et c'est même cet écart qui permet une définition officielle des taux d'intérêts pratiqués par les banques. Et dans cette situation pour le moins extrême, il est arrivé notamment en Irlande que les banques puissent prêter à PERTE ! (se payant tout de même sur les frais de dossiers, ne vous inquiétez pas pour elles). L'argent n'était donc « pas cher », et toute l'économie de ces pays était basée sur une surconsommation des ménages et des entreprises. Un des exemples les plus frappants est l'économie espagnole principalement centrée sur le secteur du bâtiment, secteur qui a pu profiter de cet argent facile. On pourrait aussi citer le dumping fiscal de l'Irlande bien que celui-ci soit surtout dû aux taxes sur les entreprises qui y sont quatre fois moins élevées que dans le reste de l'Europe.

Quoi qu'il en soit de telles bulles financières où la consommation est basée en fait sur du fictif éclate irrémédiablement. Il arrive un moment où les marchés se stabilisent et où les intérêts grimpent en flèche. Par le simple système des prêts et de création d'argent, la monnaie rattrape rapidement le cout de la vie. Par conséquent les intérêts augmentent pour suivre la tendance inflationniste, la population ne peut plus rembourser aux banques, ces mêmes banques qui ne peuvent plus garantir leurs fonds frôlent la faillite.

Naturellement, si les États n'avaient pas sauvé ces banques qui ont surexploité les failles du système financier, celui-ci se serait effondré. Ce phénomène a été accentué par la crise américaine qui a largement déstabilisé les marchés. On garde tous en tête les sommes effarantes libérées par les États pour empêcher cette réaction en chaine, argent tiré évidemment des recettes publiques, mais ceci est un autre débat.

Pourquoi n'a-t-on pu rien faire pour empêcher cette réaction en chaîne ? Pourquoi la zone euro met-elle autant de temps pour remonter la pente ?

On le sait, la construction de l'euro s'est faite sans prendre en compte la possibilité d'une crise de telle envergure. Aucun gouvernement économique n'a été formé pour garantir l'intérêt commun des pays de la zone euro. Le seul contrôle que pouvait effectuer l'Europe reposait sur le Pacte de stabilité de Maastricht, et les obligations n’ont été tenues que par très peu de pays, et certains ont laissé déraper leur dette avec la crise.

Déficit public dans certains pays de la zone euro, en 2010 (en % du PIB):

  • Islande = - 13,6%
  • Irlande = - 32,3%
  • Grèce = - 8,3%
  • Portugal = - 7,3%
  • France = - 7,4%
source : OCDE.

Cependant nous pouvons aujourd’hui nous poser la question de l'efficacité des mesures d'austérité exigées de la Grèce par l’UE et le FMI: est-ce que ralentir la consommation d'une économie basée sur celle-ci est judicieux ? Est-ce que ralentir le rôle de l'État dans un pays qui a besoin de réformes l'est aussi ? De plus, l’indépendance de la BCE ne permet pas de faire une dévaluation compétitive de la monnaie (comme le font les Etats-Unis avec le dollar), ce qui pourrait relancer les exportations européennes. L’euro a tout pour être une monnaie de référence, cependant elle n'est pas malléable, impossible d'en manipuler le flux pour en faire augmenter ou diminuer la valeur ; il faut dire qu’elle n’a pas la place du dollar dans les investissements et les échanges internationaux.

Ne blâmons pas trop vite les politiques européennes : des institutions ont été créées dernièrement pour récupérer le contrôle de la monnaie unique. Au 1er janvier 2011 ont été ouvertes trois Agences de contrôle sectoriel ; une enquête sur chaque pays membre pourra maintenant être menée (avec l'accord du dit-pays cependant) pour vérifier l'état de ses finances.

Pour ceux qui s'en rappellent encore, la crise de 2008 a été suivie par l'effondrement des marchés boursiers un peu partout dans le monde, conduisant pour la première fois dans l'histoire de l'économie à la fermeture des bourses pendant un délai pouvant aller jusqu'à trois jours consécutifs pour éviter les ventes massives d'actions, et donc un cercle vicieux, sans fin. Ce tabou sur la fermeture des marchés est maintenant levé, grâce à la création d’un Conseil du risque systémique : cette nouvelle instance peut en effet arrêter net les cotations en cas d’alerte spéculative. Le Fonds européen de soutien qui avait été créé pour aider la Grèce devient permanent sous le nom de Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF).

source : Dossiers et Documents du Monde, février 2011.

La solution n'est donc pas dans la division, n'en déplaise aux mouvements populistes et nationalistes qui font entendre leur voix sur la scène politique européenne. Des efforts ont été faits mais seront-ils suffisants pour faire face à l'envergure de la crise ? Nous devons absolument faire triompher le principe supranational sur l'intérêt particulier ou ce sera la fin de la zone euro ainsi que celle de l'UE toute entière.

Petit détail, le seul moyen de quitter la zone euro c'est de quitter l'UE, chose rendue possible depuis le Traité de Lisbonne. L'enjeu n'est donc pas que monétaire mais bel et bien politique, il en va de l'avenir de chacun d'entre nous, liés à l’importance de la l’UE sur la scène internationale, qu’on le veuille ou non.

Voir aussi le Hors-série d’Alternatives Économiques: « LES CHIFFRES 2011 »

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