mardi 1 février 2011

Quelle Défense pour l'Union européenne?

par Benjamin Helman et Arnaud Cornède.

Article d’information, 19 janvier 2011.

A l'heure actuelle, l'UE constitue la première puissance économique de la planète et concentre 28% de la richesse mondiale. Pôle majeur de la triade, l'UE est un acteur incontournable dans les relations internationales du fait de son poids économique. Cependant l'UE ne parvient toujours pas à s'affirmer sur la scène internationale en tant que puissance politique et militaire à part entière. En effet, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la Défense européenne s’est définie au sein de l’OTAN, bénéficiant ainsi de la protection du parapluie nucléaire américain. Néanmoins, se met en place progressivement une politique de défense européenne visant à garantir la sécurité du continent et à permettre à l’UE de disposer d’une autonomie qui ne manquerait pas de rejaillir sur sa capacité à s’affirmer sur la scène internationale. Cependant, le projet peine à se concrétiser, faute d'une réelle volonté politique commune. Ainsi, la mise en place d’une défense européenne semble indissociable d’une politique extérieure commune.

Une Défense Européenne garantie par l'OTAN

La guerre froide avait conduit à l'apparition d'une architecture de sécurité bipolaire, reflet du contexte stratégique du moment. Alors que la majorité des pays d'Europe occidentale formait l'OTAN à partir de 1949 avec les Etats-Unis et le Canada, les pays d'Europe centrale étaient regroupés dans le pacte de Varsovie autour de l'URSS.

Avec la disparition de l'URSS en 1991 et la fin du conflit Est/Ouest, cette architecture de sécurité, héritée de la guerre froide, aurait pu être condamnée à disparaître. Cependant les conflits dans l'ex-Yougoslavie de l'après-guerre froide ont conduit à une adaptation de l'OTAN plutôt qu'à sa dissolution. Si des interrogations subsistaient quant au bien-fondé du maintien de l'alliance atlantique, le fait que l'OTAN ait été la seule organisation véritablement opérationnelle pour intervenir militairement dans des conflits comme ceux de l'ex-Yougoslavie a rapidement convaincu de la nécessité de son maintien et de sa primauté dans l'architecture de la sécurité européenne. Par ailleurs, l'OTAN s'élargissait en 1999 avec l’adhésion de trois anciennes Républiques communistes : la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque suivie en 2004 par sept autres: l'Estonie, la Lituanie, La Lettonie, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et la Roumanie.

Aujourd'hui, la quasi-totalité des pays membres de l'UE sont également membres de l'OTAN, seuls l'Autriche, la Suède, la Finlande et l'Irlande s'y refusent car politiquement neutres. A l'heure actuelle, l'OTAN reste le principal garant de la sécurité européenne.













Vers une Défense Européenne autonome

Tandis que la primauté de l'OTAN se confirmait, les Européens voyaient dans l'après-guerre froide un contexte propice à l'émergence de l'Europe communautaire en tant qu'acteur international. Une politique étrangère et de sécurité commune, la PESC, est instaurée par le Traité de Maastricht en 1992. C’est même l’un des trois piliers du Traité. Ses dispositions mettent alors en avant les divergences d'ambitions et de projets des Etats membres à l'égard du rôle que devrait jouer l'UE sur la scène internationale. Instaurée par le Traité de Maastricht et renforcée par le Traité d’Amsterdam, la Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a été conçue comme un instrument de coordination de la politique étrangère et de défense au niveau européen. A cette occasion est créé « l'Eurocorps » issu d'une initiative franco-allemande. Certains Etats souhaitaient doter l'UE d'une véritable dimension de sécurité et de défense mais d'autres ne voulaient pas se dissocier du système de défense de l'OTAN pour ne pas perdre l'appui des Etats-Unis. Ainsi, a été constituée, à partir de 1994, l'Identité Européenne de Sécurité et de Défense (IESD) préservant l'alliance atlantique tout en permettant aux Européens d'agir sans l'intervention de tous ses membres notamment dans les conflits où les Etats-Unis refusent de s'engager.








C'est en 1998 que le développement des capacités militaires dans le cadre de l'UE voit le jour à travers le lancement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) lors de la déclaration franco-britannique de Saint-Malo. Le lancement de cette politique de la PESD a été possible grâce au revirement britannique sur la question, comme le dit Tony Blair : « Dans le contexte stratégique post-guerre froide, l'enjeu pour les Européens n'est en effet plus seulement de contrer une hypothétique menace globale, pour laquelle l'Alliance Atlantique au travers de son article 5 demeure la référence à laquelle la France réaffirme sans cesse son attachement, mais d'être capable de traiter par eux-mêmes les crises hybrides et les facteurs d'instabilité sur leur continent ou à sa périphérie. C'est aussi de soutenir partout dans le monde la politique étrangère et de sécurité commune d'une entité constituant la première puissance économique mondiale. »

Cette déclaration donnait à l'Union comme objectif de se doter « d'une capacité autonome d'action, appuyée sur des forces militaires crédibles ». Ainsi est fondée une Force de Réaction Rapide de 60.000 hommes destinée à être l'outil opérationnel de la PESD. Ces forces n'ont pas vocation à constituer une armée européenne mais constitue une force de projection qui doit permettre aux Européens de mener des missions humanitaires et de maintien de la paix à l'étranger.

L'UE mène sa première opération extérieure baptisée Artémis, de juin à septembre 2003, entièrement sous contrôle européen mais avec l’aval de l’ONU : elle déploie une force d'urgence de 2000 soldats, l’EUFOR, en République Démocratique du Congo (RDC), pour mettre fin aux exactions menées contre les populations civiles du camp de réfugiés de Bunia.

Emblème de l'EUROCORPS Sigle de l'opération ARTEMIS en RDC










A l'entrée en vigueur au 1er décembre 2009 du Traité de Lisbonne, la PESD devient la Politique de Sécurité et de Défense Commune, la PSDC. En application du Traité de Lisbonne, le Conseil européen a nommé pour cinq ans à compter du 1er décembre 2009, avec l'accord du Président de la Commission, la britannique Catherine Ashton au poste de Haut représentant de l'Union pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité : le Haut représentant préside les réunions du Conseil des Affaires Etrangères et est également vice-président de la Commission européenne. De même, le Conseil Européen a désigné le belge Herman Van Rompuy comme Président du Conseil Européen, fonction également créée par le Traité de Lisbonne : en charge de la préparation et du suivi des réunions du Conseil européen, il est le représentant de l'Union européenne sur la scène internationale.

(voir l’article intitulé : « Un président pour inaugurer les chrysanthèmes » de Baptiste Rossi)

La PESC relève d'une politique dite intergouvernementale où le Conseil Européen est le principal décideur et où les décisions sont prises à l'unanimité. Ce qui rend d'autant plus difficile les accords dans ce domaine où les intérêts nationaux prévalent le plus souvent, avec le désir de sauvegarder la souveraineté.

Les différentes opérations menées par les forces européennes ont mis en évidence que seuls la France et le Royaume-Uni possèdent la capacité de se projeter pour intervenir sur un théâtre éloigné : ce sont les pays qui ont les budgets militaires les plus élévés. En conséquence, la France et le Royaume Uni ont compris que seule l'harmonisation de leurs positions en matière militaire dans le cadre de coopérations renforcées leur permettra de conserver leur rang de puissance militaire mondiale. Alors, sur fond de crise budgétaire, la France et l'Angleterre ont signé en novembre 2010 un accord historique de coopération en terme de Défense. Il s'agit notamment de créer une force expéditionnaire commune de 3.500 à 5.000 hommes et de mutualiser porte-avions et laboratoires nucléaires. A travers cet accord, la France et la Grande-Bretagne, les deux grandes nations nucléaires de l'Europe, espèrent, en mutualisant leurs moyens, pouvoir garder leur statut de puissance militaire mondiale.

Cet accord bilatéral met en évidence un certain échec de la politique commune en matière de défense qui peine à se développer par faute de moyens. En effet les budgets alloués aux dépenses militaires sont trop limités et représentent en moyenne seulement 1,3% du PIB et l'absence d'une industrie d'armement européenne commune est un frein à la mise en place d'une force de défense commune.

Pourtant, dans un contexte européen et international particulièrement incertain, la réalisation des ambitions de l'Union Européenne en matière défense permettrait une relance du projet européen dans son ensemble.

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