La Hongrie, un pays à la
recherche de son identité
européenne.
par Constance Lebrun.
20/01/2011, entretien.
Le club UE a l’occasion d’interroger d’autres ressortissants de l’union, dans le cadre de l’échange scolaire avec le lycée KÖLCSEY de Budapest.
M Stéphane Grandsire, un des professeurs accompagnateurs commence par présenter leur lycée. Le lycée Kölcsey de Budapest est un lycée assez important et assez renommé, notamment du point de vue de son enseignement linguistique, qui accueille la section bilingue de langue française la plus importante d’Europe centrale (300 élèves). Cette présentation débouche sur une série de questions.
Johanna : Pourquoi avoir choisi le français, voulez-vous travailler en France plus tard ?
David : J’ai passé 1 an à Paris, et je parle déjà d’autres langues, j’ai choisi le français non pas pour la France, mais pour l’UE.
Le professeur des Hongrois décide d’interroger les élèves, un peu timides.
Christie : Ma mère avait appris elle-même le français à l’école.
Oliver : Je crois que c’est une langue très importante pour plus tard, après l’anglais. Je vais peut être travailler en France.
Mme Morisseau : C’est une langue plus importante que l’allemand, en Europe centrale ?
La réponse ne vient pas. Benjamin D. tente de rebondir.
Benjamin D. : Qu’est ce qui vous plaît dans la culture française ?
David : La langue. J’aime lire en français. Paris est aussi une ville bien plus riche que Budapest, du point de vue des musées, des expos...
Autre élève : J’adore la langue française, mais je ne sais pas ce que je vais faire.
On décide de passer à l’Union Européenne.
Morgane : Je vous pose la même question qu’aux Suédois : pour vous, qu’est ce qu’être européen ?
Elève hongrois : Nous avons des points communs dans l’histoire...
Mme Morisseau : Quoi en particulier ?
Leur professeur reformule la question.
Mme Morisseau : Mittel Europa ? Pour vous, Sándor Márai, c’est d’abord un écrivain hongrois, ou un écrivain européen ?
La Hongrie est entrée en 2004 dans l’UE, assez enthousiaste. Cela a t-il aidé ?
Peter : C’est un plus, les infrastructures, les routes, les trains..., tout ça améliore la vie quotidienne.
Esther : Il n’y a plus de frontières, c’est mieux pour voyager.
Mme Morisseau : Et vous, vous étiez contents ?
Oliver : J’étais content. C’est plus facile de travailler ensemble.
Mme Morisseau : A part l’UE, la Hongrie a-t-elle d’autres partenaires vers qui se tourner ? La Russie ?
Léger «oh là » parmi les hongrois.
Esmeralda : Les relations sont difficiles...
Le professeur : Les autres, vous êtes d’accord ?
Elève hongrois : Les relations sont difficiles, surtout pour les anciennes générations.
Benjamin H. : Le communisme a été une période difficile, la Hongrie comme les autres en sont sortis plus nationalistes, à cause de la rivalité avec les Russes, parce que les nations avaient été opprimées. La question est de savoir si les peuples sont près à mettre cette identité de côté, sans pour autant la renier. Vous sentez-vous plus européens ?
David : Je me sens européen, parce que j’ai habité en Allemagne, en France, en Hongrie... Nous avons un passé commun, par rapport au reste du monde
Mme Morisseau : Et les valeurs ?
David : Oui la démocratie. Il y a des soldats hongrois en Afghanistan. Les courants philosophiques sont européens.
Benjamin D. : Et justement, ne pensez vous pas que la loi récemment votée contre la liberté de la presse renie ces valeurs ?
David : Je suis d’accord avec le fait qu’il faut faire quelque chose, mais pas avec le moyen. Il faut changer, car la presse n’est pas équilibrée, chaque journal dit une chose différente, ce qui n’est pas le cas par exemple dans la presse allemande.
Le professeur : Le principe même est choquant. Ça rappelle de tristes heures.
Mme Morisseau : Y a-t-il des gens pour protester ?
David : Une minorité.
L’autre professeur hongrois intervient.
J’ai vécu pendant le communisme. Nous n’avons pas l’habitude de manifester comme les Français...
Rires.
Mais le mouvement grossit peu à peu, surtout dans la capitale. Cette loi entraîne une prise de conscience. J’espère que ça va réveiller la société civile.
Le professeur : L’UE a répondu d’une manière malhabile, en menaçant d’exclure la Hongrie, en la laissant avec ses problèmes, comme l’Autriche auparavant.
Elèves français : Nous n’avons pas entendu parler d’exclusion.
Mme Morisseau rappelle qu’il y a des critères d’adhésion à respecter, dont le respect des libertés fondamentales. Le problème est que la Hongrie est à la présidence tournante, et que l’on ne sait pas vraiment quoi faire, comme ça avait été le cas pour l’Autriche. Un élève français demande si la rue peut faire changer cela.
Elève hongrois : La masse n’a pas d’opinion, ils ne peuvent rien faire changer, ils pensent que ça n’en vaut pas la peine et ont déjà renoncé.
Maude : Existe-t-il des recours légaux, comme en France ?
David : Le conseil constitutionnel. Mais le gouvernement a changé en même temps ses compétences, pour l’empêcher de s’opposer aux lois de ce genre.
Autre professeur : Ce qu’aucun gouvernement n’avait osé faire jusqu’ici.
Mme Morisseau : Et l’UE peut-elle vous aider ?
David : La Hongrie joue avec l’UE...
Mme Morisseau : La Hongrie dit que l’UE n’a pas à s’en mêler, qu’elle doit la respecter. Mais n’est-ce pas aussi à la Hongrie de respecter l’UE ?
David : L’UE ne peut pas se faire autrement.
Laure : La Hongrie n’est pas dans la zone euro...
Le professeur demande à ses élèves s’ils sont attachés au Forint. La réponse est non, car ils ont beaucoup changé de monnaie ces dernières années, et qu’elle ne représente rien en particulier. Il semblerait que la Hongrie veuille rentrer dans l’Euro, mais qu’elle attende de remplir les critères de Maastricht.
Mme Morisseau : L’Estonie a fait ces efforts.
David : Ce n’est pas pour tout de suite.
Un professeur demande alors à aux Hongrois s’ils ont des euros en réserve, comme réserve de valeur. Certains répondent oui, mais pas énormément, plutôt comme souvenir.
Mme Morisseau demande : L’élargissement doit-il se poursuivre comme le veut votre gouvernement ?
Leur professeur précise alors qu’il a une formation de juriste européen, et qu’il a travaillé sur l’Europe avec ses élèves.
Mme Morisseau : La Croatie ?
Elève Hongrois : Oui, je suis pour.
Mme Morisseau : Et la Serbie ?
Elève Hongrois : Oui.
Le professeur : Et vous, les Français ?
Clémentine : C’est compliqué, les points de vue sont différents. Moi par exemple je ne vois pas de raison d’accélérer, il faut faire une pause.
Eva : Certains pays portent un peu les autres, il faut peut-être attendre que l’économie des nouveaux pays intégrés s’améliore.
Constance : Et attendre que l’opinion publique dans ces pays y soit favorable.
Silvia : Tout le monde doit être dans l’UE. Mais plus on sera nombreux, moins il y aura d’aides pour chaque pays. En êtes-vous conscients ?
Le professeur : La Hongrie a toujours vécu comme une injustice la répartition des fonds structurels.
Mme Morisseau : En somme, il faut d’abord faire de la pédagogie et développer un projet avant de s’élargir. Pour l’instant ça ne concerne que les élites.
L’autre professeur : Les jeunes ne s’en occupent pas, ils ne savent pas à quoi ça sert, car ils n’ont pas vu le changement.
Ce sera le mot de la fin, car l’heure a tournée. Mme Morisseau souhaite aux Hongrois une bonne visite de Paris, en attendant de rencontrer, le soir l’ambassadeur de Hongrie en France, László Trócsányi, à qui le club UE est bien décidé à poser quelques questions.
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